La semaine dernière, Toulouse a accueilli un événement marquant : le 12ème colloque international sur la servitude volontaire et la psychodynamique du travail. Un sujet qui peut sembler complexe, mais qui, en réalité, touche directement à notre quotidien au travail. Alors, qu’est-ce que la servitude volontaire ? Et comment ce phénomène peut-il influencer notre vie ?

Cet article explore cette notion pour comprendre comment nous pouvons l’appréhender, individuellement et collectivement, en développant la pensée critique, en favorisant des liens humains forts dans les équipes et en encourageant une culture organisationnelle plus éthique.

Qu’est-ce que la servitude volontaire ?

La notion de servitude volontaire, popularisée par Étienne de La Boétie, décrit le paradoxe d’individus qui consentent à leur propre soumission face à une autorité, sans contrainte explicite.

Ce terme peut alors sembler paradoxal : comment peut-on être volontaire dans une situation de soumission ? Et pourtant, c’est un phénomène assez courant, en particulier dans le monde du travail. 

En effet, Christophe Dejours, psychiatre renommé, indique que la servitude volontaire prend racine dans des dynamiques collectives où les travailleurs, souvent sous pression, se conforment à des systèmes parfois aliénants pour préserver leur place ou éviter le rejet. Il met également en lumière l’impact de la reconnaissance sociale et le rôle de la peur dans ces mécanismes.

Prenons un moment pour nous interroger : Et si, sans le savoir, nous étions actuellement en servitude volontaire ?

En pratique, cela se manifeste souvent par la résignation à des conditions de travail stressantes, voire dégradantes ou d’une pression constante pour atteindre des objectifs toujours plus ambitieux et ambivalents. Cela peut venir de la peur de perdre son emploi, de l’exclusion ou encore de ne plus pouvoir contribuer. Ces peurs nous poussent à accepter des situations désagréables, simplement pour éviter de prendre des risques. Pourtant, en restant dans cette situation, nous prenons également un risque : celui de sacrifier notre bien-être au nom de la survie professionnelle. Nous nous soumettons aux règles sans toujours en prendre pleinement conscience, cherchant à préserver notre place ou notre image professionnelle, même si cela nous coûte. Cela ne signifie pas être forcé.e à accepter, mais plutôt choisir d’ignorer ou de “mettre de côté” la souffrance éthique par crainte des conséquences, ce qui rend cette souffrance invisible mais persistante. Les normes de travail deviennent alors acceptées sans question, comme si c’était la seule voie pour réussir, en se convaincant constamment que tout va bien, ou qu’il faut simplement « tenir bon ».

Les enjeux de la servitude volontaire : Avantages immédiats, conséquences à long terme

Les conséquences négatives de la servitude volontaire

La servitude volontaire peut engendrer de nombreuses conséquences négatives, souvent invisibles au début, mais qui se manifestent à long terme. 

⇒ Lorsque les individus acceptent des conditions de travail difficiles, par exemple en surmontant leur charge mentale ou physique, ils finissent par se soumettre à des exigences qui mettent leur bien-être en danger. Cela peut entraîner des problèmes de santé mentale, tels que l’anxiété, le stress chronique et l’épuisement professionnel (ou burn out). 

⇒ La normalisation de ces conditions crée un cercle vicieux, où la souffrance éthique devient perçue comme une norme, empêchant les individus et les collectifs à chercher et mettre en œuvre des solutions pour améliorer leur situation. 

⇒ Les conséquences sont aussi organisationnelles : un environnement de travail marqué par la servitude volontaire limite l’innovation, la créativité et l’engagement des employés, rendant difficile toute évolution vers une culture plus éthique et inclusive.

Les intérêts de la servitude volontaire

La servitude volontaire peut aussi présenter des avantages à court terme, notamment en termes de stabilité et de sécurité. 

⇒ En se soumettant aux règles imposées, les individus peuvent conserver leur place dans un environnement professionnel exigeant, éviter les conflits et conserver une image positive auprès de leurs supérieurs. 

⇒ Cette forme d’adaptation peut également renforcer les liens sociaux au sein des groupes de travail, les individus se soutenant mutuellement face à des conditions difficiles. Dans certains cas, la soumission apparente peut être perçue comme une stratégie pour maintenir une certaine harmonie ou un équilibre dans l’organisation, ce qui permet à chacun.e de trouver des mécanismes de défense pour faire face. Cela peut offrir une forme de résilience collective, où les travailleurs acceptent les contraintes actuelles, tout en espérant des changements futurs ou en trouvant des moyens d’alléger la souffrance au sein de leur groupe. 

Toutefois, ces avantages sont souvent temporaires, et cette dynamique peut devenir contre-productive à long terme si elle empêche une réflexion plus profonde sur l’amélioration des conditions de travail et l’évolution des pratiques organisationnelles.

Comment transformer la servitude volontaire ?

La servitude volontaire est un phénomène complexe, mais des leviers d’action peuvent être mis en place pour le comprendre et le surmonter. Voici quelques pistes concrètes pour agir efficacement sur ces mécanismes et améliorer ses conditions de travail.

    • Favoriser l’esprit critique : Développer la pensée critique à travers d’espaces d’écoute active permettant de se questionner, de questionner les normes imposées au regard des situations. 

    • Renforcer les liens fraternels dans les collectifs : Participer à un climat de confiance et de solidarité au sein permettant ainsi de favoriser l’entraide et la résilience collective.

    • S’appuyer sur la psychologie sociale, du travail et des organisations : Se rapprocher de professionnels pour diagnostiquer les causes de la servitude volontaire afin de faire évoluer les pratiques et les perspectives dans le respect de la culture et du langage propre à chaque profession. 

Conclusion

La servitude volontaire, bien que souvent invisible, est un phénomène puissant qui peut se manifester dans de nombreuses organisations. Pourtant, il est possible de renverser cette dynamique en adoptant des approches collectives et humaines. En encourageant l’esprit critique, en renforçant les liens dans les collectifs et en s’appuyant sur les outils de la psychologie, nous pouvons créer des environnements où la soumission n’est plus une norme tacite, mais un phénomène que l’on comprend et que l’on choisit de déconstruire.

Changer la culture d’une organisation, redéfinir les relations de pouvoir et promouvoir l’autonomie ne sont pas des processus instantanés, mais ils sont essentiels pour garantir le bien-être et l’épanouissement des individus au travail. La transformation de la servitude volontaire commence par un premier pas : celui de prendre conscience des mécanismes en place et d’agir collectivement pour les remettre en question. En adoptant ces leviers, nous pouvons créer des lieux de travail où chacun.e se sent valorisé.e, respecté.e et libre d’exprimer pleinement son potentiel.

Nous pouvons vous accompagner à transformer la culture organisationnelle, redéfinir les relations de pouvoir ou encore renforcer les liens au sein des collectifs afin de  déconstruire la servitude volontaire. Pour en savoir plus sur nos interventions ou planifier une rencontre, n’hésitez pas à nous contacter en cliquant sur le lien suivant : https://entresensconseil-psychologue.com/nous-rencontrer/.