Dans notre cabinet, nous rencontrons régulièrement des personnes qui ne se disent pas simplement « fatiguées », mais « vidées », « à bout », « comme déconnectées ». Derrière ces mots se cache souvent une réalité plus complexe : celle d’un épuisement profond, parfois invisible, mais bien réel. Et si nous apprenions à mieux repérer les signaux avant qu’il ne soit trop tard ?
Cet article vous propose un éclairage psychopédagogique sur les différentes formes de fatigue, les mécanismes de l’épuisement, les types de burn-out… et surtout, des pistes concrètes pour vous préserver durablement.
Fatigue : un signal pluriel
La fatigue n’est pas un simple manque de sommeil. Elle peut être physique, mentale, émotionnelle ou même éthique. La distinguer, c’est déjà commencer à prendre soin de soi.
Vouloir “se reposer” sans identifier le type de fatigue revient à prendre le mauvais traitement. Chaque fatigue à ses besoins spécifiques (pour plus de détails, voir l’article : “Pourquoi suis-je toujours fatigué·e ? Quand le repos ne suffit plus : reconnaître et réparer les fatigues invisibles”).
L’épuisement : quand les ressources ne se régénèrent plus
L’épuisement est une phase plus avancée que la fatigue. Il touche durablement les ressources psychiques et physiques. Il peut se manifester par :
- Un épuisement émotionnel, par exemple : perte d’empathie, hypersensibilité…
- Un épuisement cognitif, par exemple : troubles de la mémoire, de l’attention…
- Un épuisement somatique, par exemple : douleurs chroniques, troubles digestifs…
Le stress chronique est souvent le moteur de cet épuisement. Selon le modèle transactionnel de Lazarus & Folkman (1984), le stress survient quand une situation est perçue comme menaçante et que les ressources pour y faire face semblent insuffisantes. Cela active des réponses archaïques (attaque, fuite, sidération) qui, répétées, épuisent le corps et l’esprit.
Pour illustrer, c’est un peu comme si l’alarme de votre maison se déclenchait à chaque fois qu’une mouche rentrait par une fenêtre, alors qu’elle est initialement prévue pour vous prévenir de réels dangers tels que des intrus. C’est la même chose pour votre organisme qui se met en état d’alerte maximale à chaque petit coup de stress comme s’il voulait lutter pour sa survie ; à force cela vous épuise et vide vos ressources.
Le burn-out : comprendre ce syndrome d’épuisement professionnel reconnu
Le burn-out n’est pas une simple fatigue passagère. C’est un syndrome d’épuisement professionnel reconnu par l’OMS, qui est à la fois physique, mental et émotionnel et qui survient lorsqu’un individu ne parvient plus à faire face à des exigences professionnelles prolongées, émotionnellement ou cognitivement intenses.
Contrairement à la dépression, qui peut toucher toutes les sphères de vie, le burn-out est situationnel : il prend racine dans le contexte professionnel, même s’il peut ensuite déborder dans la vie personnelle.
Les trois dimensions du burn-out (Maslach & Leiter, 1997, 2016)
Ce modèle, largement validé scientifiquement, repose sur trois piliers permettant d’indiquer s’il s’agit ou non d’un cas de burn-out professionnel :
L’épuisement émotionnel
→ Fatigue intense, perte d’énergie, saturation affective
« Je n’ai plus la force d’écouter, de ressentir, de m’impliquer »
La dépersonnalisation
→ Attitude détachée, cynisme, froideur envers les collègues ou les usagers
« Je fais mon travail sans y croire, je me protège en me coupant des autres »
La réduction de l’accomplissement personnel
→ Sentiment d’inefficacité, perte de sens, baisse de l’estime de soi
« Je ne sers plus à rien, je doute de mes compétences »
Ces trois dimensions s’installent progressivement, souvent sans que la personne en ait pleinement conscience.
Le processus en quatre phases (Salembier-Trichard, 2019)
D’après elle, le burn-out ne surgit pas du jour au lendemain et s’installe progressivement en quatre étapes :
- La phase d’enthousiasme : Motivation élevée, idéalisation du travail, envie de bien faire…
« Je veux m’investir à fond, je suis utile » - La phase de surinvestissement : Engagement excessif, difficulté à décrocher, oubli de soi…
« Je ne prends plus le temps de souffler, je suis indispensable » - La phase de désillusion : Frustration, perte de reconnaissance, premiers symptômes…
« Je donne beaucoup, mais je ne reçois rien » - La phase d’effondrement : Épuisement total, désengagement, incapacité à travailler…
« Je n’arrive plus à me lever, à réfléchir, je suis vidé·e »
Ce processus peut être accéléré par des facteurs organisationnels, individuels et/ou culturels.
> Ce que dit la loi
Depuis janvier 2025, le burn-out est reconnu comme maladie professionnelle dans le Code de la sécurité sociale (article L.461-1-1). L’employeur a une obligation renforcée de prévention des risques psychosociaux (RPS), intrinsèquement liés au syndrôme d’épuisement professionnel :
- Intégration obligatoire dans le DUERP
- Mise en œuvre d’une politique de prévention à travers le PAPRIPACT
- Sanctions en cas de manquement (amendes, faute inexcusable)
La jurisprudence confirme cette obligation (Cour de cassation, 7 mars 2024) : l’employeur est responsable sauf s’il prouve avoir pris toutes les mesures nécessaires.
D’autres formes d’épuisement
L’épuisement professionnel ne se limite pas au burn-out, il comprend aussi :
- Le bore-out : ennui profond, sous-charge de travail, tâches monotones…
- Le brown-out : perte de sens, inadéquation entre valeurs et missions…
Et le burn-out ne se limite pas au monde du travail puisqu’il peut toucher d’autres sphères :
- Burn-out parental : surcharge domestique, manque de soutien, pression éducative
- Burn-out étudiant : pression académique, isolement, incertitude
- Burn-out des aidants : épuisement lié au soin d’un proche dépendant
- Burn-out éducatif : usure dans les métiers de l’enseignement et de l’animation
Se reposer en profondeur : une nécessité biologique
Conseils pratiques à tester chez soi
Voici quelques exercices simples à expérimenter dans votre quotidien pour prévenir l’épuisement :
- Journal de fatigue : chaque soir, noter ce qui vous a épuisé et ce qui vous a ressourcé dans votre journée
- Scan corporel et auto-massage : 5 minutes pour repérer les tensions et les relâcher de manière adaptée
- Déconnexion ciblée : 1 heure sans écran par jour pour reposer l’esprit et se recentrer sur ce qui compte vraiment
- Activité sens : consacrer au moins 30 minutes par semaine à une activité qui vous fait vibrer
Prévenir à tous les niveaux
D’un point de vue individuel, à travers…
- Thérapies individuelles et/ou collectives
- Groupes de parole
- Bilans socio-professionnel, de compétences
- Travail sur les valeurs et la psychoéducation
D’un point de vue organisationnel, via…
-
Diagnostic des formes d’épuisement
-
Démarche de prévention des RPS
-
Formation des managers à la prévention du burn-out
-
Espaces de parole et culture organisationnelle du soin partagée
Conclusion :
Prévenir l’épuisement, c’est reconnaître que le repos est une compétence, pas une faiblesse. C’est aussi réhabiliter une écologie du travail et du quotidien où ralentir devient un acte de santé, de lucidité… et de résistance.
Chez ENTRESENS Conseil, nous pouvons vous accompagner aussi bien d’un point de vue individuel qu’organisationnel à repérer les signaux faibles de fatigue, avant qu’ils ne se transforment en symptômes d’épuisement (professionnel… ou autres). N’hésitez pas à nous contacter !
Petit plus !
Pour en savoir plus, venez participer à notre conférence en lien avec ces sujets :
« Pourquoi on s’épuise ? Décrypter les mécanismes de la fatigue avant le burn-out »
→ le mardi 28 octobre 2025 aux Halles de la Cartoucherie à Toulouse, de 19h à 21h (sur inscription : https://my.weezevent.com/pourquoi-on-sepuise-decrypter-les-mecanismes-de-la-fatigue-avant-le-burn-out).
Nos références
Lazarus, R. S. & Folkman, S. (1984). Stress, Appraisal, and Coping. Springer Publishing Company.
→ Modèle transactionnel du stress : évaluation primaire/secondaire, coping.
Maslach, C. & Leiter, M. P. (1997, 2016). The Truth About Burnout ; Burnout at Work. Jossey-Bass.
→ Modèle tridimensionnel du burn-out : épuisement émotionnel, dépersonnalisation, réduction de l’accomplissement.
Salembier-Trichard, A. (2019). Épuisement professionnel, burn-out. L’Information psychiatrique, n°5, pp. 311–315.
→ Processus en quatre phases du burn-out, différenciation avec la dépression
INRS (2017). Le burn-out : état des lieux des connaissances. Institut National de Recherche et de Sécurité.
→ Manifestations cliniques, facteurs de risque, prévention.
Code de la sécurité sociale – Article L.461-1-1 (modifié par la loi du 15 novembre 2024).
→ Reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle.
